Alors que la communauté internationale s’apprête à se réunir à Copenhague en décembre afin d’élaborer un nouveau traité international contre le réchauffement climatique, la prochaine Commission devra mettre en œuvre ses engagements environnementaux plus stricts par des politiques concrètes, tout en relançant l’économie languissante de l’UE.

Un consensus général a émergé, favorable à la création d’un Green New Deal qui permettrait à l’Europe de s’attaquer au défi climatique, de créer de nouveaux emplois et de dynamiser les industries rejetant peu de dioxyde de carbone.

C’est ce que le président de la Commission, José Manuel Barroso, avait à l’esprit lorsqu’il a détaillé au Parlement européen ses priorités pour les cinq prochaines années. Le prochain exécutif de l’UE insistera sur la mise en place d’un environnement légal favorisant l’adoption de technologies peu polluantes par les entreprises européennes, avait-il déclaré. 

Une base industrielle plus moderne, afin d’utiliser et de produire des technologies respectueuses de l’environnement, et qui optimise l’exploitation énergétique, voilà la clef d’une croissance européenne durable, écrit M. Barroso dans ses lignes directrices .

Les militants écologistes espèrent que la Commission va concentrer ses efforts sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique plutôt que sur le nucléaire et les technologies de « charbon propre ».

Le défi de la prochaine Commission sera de concevoir un modèle détaillé décrivant les changements structurels nécessaires au passage de l’Europe vers une économie durable. La diminution des ressources naturelles, le chômage et les émissions de CO2 ne sont que des exemples des problèmes qui peuvent être résolus en développant une énergie propre et efficace, a déclaré Joris den Blanken, directeur de l’unité climat et énergie chez Greenpeace.

Dans tous les cas, les améliorations de l’efficacité énergétique qui, contrairement aux énergies renouvelables et aux réductions d’émissions, ne sont pas soutenues par des objectifs contraignants recevront encore plus d'attention. La prochaine Commission va devoir mettre en œuvre le nouveau Plan d’action européen en matière d’efficacité énergétique, que la Commission sortante a prévu de présenter le mois prochain.

Mettre en œuvre l’accord de Copenhague

Le paquet climat-énergie négocié en décembre 2008 a marqué une étape importante dans la concrétisation de la vision de la Commission pour l’atténuation du réchauffement climatique. Mais, selon le degré d’ambition du nouveau traité international sur le climat, l’Exécutif européen devra repenser l’adéquation de ses politiques existantes.

L’UE a promis de faire passer son objectif d’émissions de 20 % sous les niveaux de 1990 à 30 % en 2020 à condition que les autres nations industrialisées s’engagent sur des objectifs similaires. Mais les scientifiques affirment que les réductions d’émissions des pays industrialisés doivent atteindre 40 % pour avoir une chance de maintenir le réchauffement climatique dans des proportions raisonnables.

"Cet objectif bien entendu ne peut pas être atteint avec les moyens habituels, et des changements fondamentaux seront nécessaires dans les politiques climatiques et énergétiques, dynamisant l’optimisation énergétique et les énergies renouvelables. Une révision complète est également inévitable dans des domaines comme le transport, la construction et l’agriculture", a déclaré Esther Bollendorff, militante écologiste à Friends of the Earth Europe.
"De plus, un accord ambitieux devra s’accompagner d’une exigence de financement substantiel en faveur des pays en développement."

Jusqu’ici, l'instrument climatique phare de l’UE, son système d’échange d’émissions, ne fait que recommander aux Etats membres de dépenser la moitié de leurs revenus dans des activités climatiques. Mais le modèle de la Commission pour le financement international prévoit d’utiliser ces recettes pour financer les efforts dans les pays en développement. 

"L’ETS est prometteur en théorie, mais les orientations demeurent trop souples et ne permettront pas de décarburer le secteur de l’électricité à temps", a expliqué Jason Anderson, chef de l’unité politique climatique et énergétique chez WWF. Il a d’autre part critiqué les dispositions généreuses permettant aux gouvernements d’utiliser les crédits de compensation pour inclure les réductions d’émissions faites à l’étranger dans les objectifs nationaux.

"M. Barroso va peut-être créer des emplois verts, mais ils ne seront pas en Europe s’il n’endigue pas le flot de crédits de compensation pour respecter nos engagements", a expliqué M. Anderson.

Prendre en compte les émissions des transports

L’un des moyens d’améliorer les efforts européens pour le climat sera de combattre les émissions de CO2 provenant du secteur des transports. Les écologistes pressent depuis longtemps l’Exécutif européen d’intégrer cette question à l’ordre du jour climatique.

Christian Egenhofer, chargé de recherche au Centre for European Policy Studies (CEPS), a appelé la Commission à réfléchir à un paquet « transport et changement climatique » comparable à celui mis en place pour l’énergie. "Ce paquet doit apporter des réponses aux questions stratégiques fondamentales relatives à la définition d’un système de transport européen durable et à sa réalisation", a-t-il dit.

Enumérant ses priorités pour les cinq prochaines années, le président Barroso a promis d’avancer sur la décarburation de tous les modes de transports, y compris maritime et aérien. Il a également déclaré que l’UE serait à la pointe en matière de développement de voitures propres et électriques.

Des précautions pour protéger l’industrie européenne

Néanmoins, les Etats craignent que l’accord conclu à Copenhague n'engagent leurs principaux concurrents à mettre en place des politiques climatiques similaires.

La France a d’ores et déjà commencé à faire pression pour un droit de douane carbone aux frontières de l’UE (EurActiv.com 14/09/09 ). Il s’agirait de prélever une taxe CO2 sur les importations dans l’UE de biens et services en provenance de régions qui ne pratiquent pas cette imposition.

De nombreux Etats membres européens restent inquiets quant aux implications qu’une telle mesure pourrait avoir sur des négociations mondiales déjà dans l’impasse. Ils s’inquiètent des réticences de nations comme la Chine, qui dénoncent cette taxe comme une mesure protectionniste contraire aux règles de l’OMC.

Mais les Français ont des arguments juridiques en faveur d’une taxe carbone, d’autant que l’OMC a estimé cet été que de tels droits étaient tolérables si conçus de manière adéquate. L’Allemagne a depuis lors rejoint son voisin (EurActiv.com 18/09/09 ), et les Etats-Unis examinent une mesure identique dans le cadre de leur projet de loi climatique.

De plus la Commission sera occupée à définir les conditions qui permettraient à des industries considérées comme exposées à la concurrence internationale de recevoir des permis gratuits de polluer. Le 21 septembre, les Etats membres ont approuvé une liste de secteurs industriels qui semblent en danger de délocalisation dans des zones sans restrictions sur les émissions, appelée fuite de carbone (EurActiv.com 21/09/09 ).

La prochaine Commission aura la tâche difficile de définir les points de référence selon lesquels seront calculés le nombre de permis gratuits pour chaque installation. Alors que seulement 10 % des installations les plus efficaces recevront tous leurs permis gratuitement, un débat animé est attendu puisque les industries vont essayer de se voir attribuer le plus de permis gratuits possible. 

POSITIONS:

Greenpeace a soutenu que, bien que les priorités du président de la Commission M. Barroso pour les cinq prochaines années reconnaissent l’urgence du changement climatique, celles-ci allaient devoir être concrétisées par des mesures politiques.

L’ONG a exhorté la prochaine Commission à lancer un programme détaillé quant aux moyens de développer un système énergétique propre, intelligent et interconnecté, fondé sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, avec un abandon progressif du charbon et du nucléaire. De plus, elle a affirmé que l’exécutif de l’UE devait limiter les émissions issues du transport, qui sont en constante augmentation, en fixant un objectif contraignant de 80g de  CO2 au kilomètre pour les voitures des particuliers.

Le Centre for European Policy Studies (CEPS) a appelé la Commission à définir une position intégrée pour répondre aux problèmes d'émissions de gaz à effet de serre, aux questions de la sécurité de l’approvisionnement énergétique et aux défis de l’innovation dans le secteur du transport.

La Commission devrait élaborer un consensus politique sur des modes alternatifs de transports, en mettant en lumière leur rapport prix-efficacité, a affirmé Christian Egenhofer, chargé de recherche au CEPS.

La transition vers un système européen de transports peu polluants est une tâche européenne. Les Etats ne peuvent être efficaces s’ils agissent isolément. Il revient donc à la Commission européenne de commencer à œuvrer sur le nouveau paquet transport et climat, a-t-il conclu.

Friends of the Earth Europe (FoEE) a pressé la nouvelle Commission de renforcer ses politiques climatiques et d’adopter un objectif de réduction des émissions au-delà de la promesse actuelle de 30 % dans l’hypothèse où d’autres nations développées prendraient des engagements similaires. L’ONG affirme que les prévisions scientifiques supposent des réductions nationales d’émissions de 40 % pour éviter un réchauffement climatique catastrophique.

Le défi de la nouvelle Commission est de trouver des mesures de réduction intégrées agressives, mais ambitieuses, intersectorielles et qui se ressentent dans l’économie toute entière, a affirmé Esther Bollendorff, responsable de l’unité climat et énergie chez FoEE.