• NOIRE

     
    Il y a des jours comme cela, où l’on préfère se taire et écouter religieusement la voix d’un poète. Car, le poète, si l’on ne le dit pas assez, sauve le monde. Lui, seul, sait dire la splendeur des choses et des êtres. En cette Journée internationale de la femme, Léopold Sedar Senghor le fait magnifiquement, à travers sa somptueuse ode à la femme noire :


    Femme nue, femme noire
    Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
    J'ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
    Et voilà qu'au cœur de l'Eté et de Midi,
    Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
    Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un aigle

    Femme nue, femme obscure
    Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
    Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
    Tam-tam sculpté, tam-tam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
    Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée

     
    Femme noire, femme obscure
    Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
    Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

     

    Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire. A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

     
    Femme nue, femme noire
    Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
    Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

     
    Merci Senghor. Et bonne fête, femmes d’Afrique !

     
    Guillaume Camara