• Syrie- Erdogan/Syrie : le coût politique et social d’une politique de confrontation

    En léger différé de la Ligue arabe – enfin d’une partie d’entre elle – la Turquie a adopté officiellement, jeudi 1er décembre, un train de sanctions économiques contre la Syrie.

    Qui a aussitôt répliqué par l’annonce  de la suspension immédiate de l’accord de libre-échange liant jusqu’à aujourd’hui les deux pays.

    Et le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères a fait savoir que seraient étudiées d’autres mesures de rétorsion « de la même nature que celles annoncées par le Premier ministre turc » contre la Syrie.

    Jeiudi 1er décembre, Ankara : début de la visite d'inspection de Joe Biden, n°2 américain, en Turquie

    Jeiudi 1er décembre, Ankara : début de la visite d'inspection de Joe Biden, n°2 américain, en Turquie

     Le vice-président US vient resserrer les boulons à Ankara

     Il faut se rappeler, même si tout ça parait lointain et incroyable aujourd’hui, qu’Ankara et Damas étaient engagés depuis des années dans un véritable partenariat économique.

    Qui n’aura donc pas survécu à la l’attitude, constamment hostile, et même provocatrice, du gouvernement Erdogan depuis le début des troubles affectant son voisin.

     La question demeure de savoir qu'elles seront les conséquences de cette rupture économique, et qui elles affecteront. On a déjà un élément de réponse, qui vient justement de Turquie :

    I-Télé diffusait jeudi soir une extrait de reportage de la télévision turque, tourné dans la région limitrophe de la Syrie. Le journaliste turc indiquait que les toutes premières victimes de l’arrêt des échanges turco-syriens allaient être les habitants de cette région, des centaines de familles vivant exclusivement du commerce frontalier.

    Ajoutons qu’une partie des échanges entre les Turcs et les pays arabes transitait jusqu’à présent, par la force de la géographie, par la Syrie. Que les camions turcs – ou séoudiens ou qataris – vont devoir désormais contourner.

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    Certes, on peut imaginer que le parrain américain d’Erdogan fournira quelques compensations financières : Joe Biden, vice-président des Etats-Unis, est arrivé à Ankara jeudi soir pour examiner avec son collaborateur turc les possibilités d’action contre Bachar al-Assad, dont il a à nouveau réclamé le départ.

    A l’occasion de cette visite placée sous le signe de l’ingérence et de la menace, valeurs constitutives de l’amitié turco-américaine, Joe Biden a eu un petit mot pour les rebelles kurdes du PKK, qui mènent depuis toujours une guérilla contre l’armée turque, qui s’est réactivée ces dernières semaines : le second d’Obama a promis à Erdogan d’accentuer la « pression » de son gouvernement contre les rebelles. Et il a même précisé que Washington avait déjà fourni aux Turcs des drones et des hélicoptères de combat. Qui donc ne sont donc destinés qu’aux rebelles kurdes (d’Irak et de Turquie), pour le quart d’heure.

     

     Le leader de l’opposition (re)monte au créneau

     Reste que tous les dollars et hélicoptères d’Amérique ne paieront sans doute pas le coût politique intérieur de l’attitude de l’équipe Erdogan vis-à-vis de Damas.

    Nous avions signalé (voir notre article « Erdogan fortement contesté par son opposition sur sa politique syrienne« , mis en ligne le 18 novembre) que cette attitude était clairement et très fermement contestée par les deux principaux partis d’opposition,

    1/ le Parti Républicain du Peuple (CHP, social-démocrate) et,

    2/ le Parti d’Action Nationaliste (MHP, droite nationaliste laïque).

    Eh bien, le leader du CHP –  deuxième force politique du pays avec 25,8% des voix et 135 députés aux législatives de 2011 – Kamal Killitch Daroglu vient d’en remettre une couche sur le sujet : il a vivement attaqué le gouvernement Erdogan pour sa politique syrienne, l’accusant expressément d’être manipulé par les grandes puissances qui ne cherchent que leurs propres intérêts et non ceux des Turcs.

    M. Daroglu a déploré que pour de tels motifs, contraires à l’intérêt national, Erdogan ait saccagé l’amitié et les relations avec la Syrie, relations qui avaient pris « un grand développement » ces dernières années.

    Le CHP a par ailleurs publié un communiqué dans lequel il juge « incompréhensible » l’acharnement du gouvernement Erdogan à vouloir sauver le monde entier – dont les Syriens – alors qu’il est incapable de protéger son propre peuple : une allusion directe aux défaillances et insuffisances du dispositif de secours dans les régions du pays récemment ravagées par des tremblements de terre.

     Et la critique de la politique étrangère du gouvernement AKP par l’opposition de gauche – et de droite – va au-delà même du cas syrien : en septembre dernier le CHP s’était opposé à l’établissement sur le territoire turc du bouclier anti-misssiles de l’OTAN, considéré par les socio-démocrates comme un dispositif voué uniquement à la protection d’Israël et non de la Turquie.

     Dans ce contexte, comment comprendre la déclaration du président turc, Abdullah Gül : « La dernière chose que nous souhaitons en Syrie est une guerre intestine » ?

    Comme un geste d’apaisement envers l’opposition ? Ou comme une invitation discrète à la modération à l’adresse d’Erdogan et de ses pressants amis américains ?

    On peut en tous cas la rapprocher de celle faite fin novembre par le propre vice-Premier ministre – et porte-parole – d’Erdogan, Bülent Arinc (voir notre article « Sérieuse inflexion de l’attitude turque sur la Syrie ?« , mis en ligne le 25 novembre) qui affirmait à une télévision turque l’opposition de son gouvernement à toute intervention étrangère en Turquie.

    Bien sûr, il semble, par ce qu’on  a appris récemment, notamment sur l’arrivée en Turquie d’agents de la DGDSE et de la CIA voués à « former » l’ASL, que l’équipe Erdogan privilégierait plutôt l’aide à la subversion intérieure.

    Mais celle-ci trouvant ses limites, quelle pourra être la porte de sortie des AKPistes sur le dossier syrien ?

    Daroglu à Erdogan : ta politique anti-syrienne est anti-turque !

    Daroglu à Erdogan :

    ta politique anti-syrienne est anti-turque !

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    Note

    On imagine facilement que les USA viennent par la même occasion y ficher le désordre en Turquie.

    Erdogan serait-il aveugle à ce point ?

    Katia.

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    http://www.infosyrie.fr/

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