• SYRIE - Massacre de Mazraat : la Russie dénonce une « provocation » (de l’opposition)

    SYRIE - Massacre de Mazraat : la Russie dénonce une « provocation » (de l’opposition)

    À Istambul, Hillary C. met le monde en garde contre l'extension d'al-Qaïda (sauf en Syrie)

    Les réactions des deux fronts internationaux opposés sur la Syrie sur le massacre annoncé de  sont rigoureusement antagonistes. Depuis Istambul où elle préside de fait l’énième sommet des Amis de la Syrie, Hillary Clinton commande à Bachar de « quitter la Syrie » non sans avoir préalablement « transféré son pouvoir » (à qui ? à l’émir du Qatar ?).

    Et de son côté le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch a déclaré que ce nouveau massacre était « une provocation odieuse« .

    Moscou ne peut plus croire les « informations » made in West

    On nous permettra de nous appesantir sur la réaction russe , plus intéressante compte tenu du contexte que les monotones anathèmes de la diplomatie américaine. Car Loukachevitch précise évidemment son propos :

    • « Il ne fait aucun doute que certaines forces recourent à des provocations atroces et odieuses afin de torpiller la mise en oeuvre du plan de paix de Kofi Annan ».

    Bien évidemment, dans la bouche d’un haut-responsable de la diplomatie russe, ces « certaines forces » désignent des opposants radicaux aux régimes, toujours ces groupes armés obéissant ou pas au CNS et à l’état-major de l’ASL mais agissant en tous cas pour susciter et une guerre civile, et une mise en accusation du régime.

    Bien évidemment aussi, Moscou – et pas mal de monde à sa suite – ne croit pas à la version OSDH et donc officielle en Occident de cette tuerie, pas plus qu’elle n’a cru à la responsabilité du régime et de ses épouvantails chabihas dans celle de Houla.

    En tous cas, elle pratique la suspicion légitime envers cette communication du mensonge ou de l’info invérifiable, qui enclenche aussitôt une diplomatie du mensonge et de l’ingérence. La cassure est nette et irrémédiable sans doute entre les deux blocs, sur la Syrie et d’autres sujets.

    Il faut dire que la couverture pro-occidentale de ces événements ne s’arrange pas aiment, déontologiquement parlant. Ainsi l’AFP tend son micro à des témoins pro-opposition  : un certain Laith, interrogé par téléphone, raconte le massacre perpétré selon lui par les chabihas-alaouites-bacharistes « d’une voix tremblante« .

    Jusque-là, l’AFP est dans son droit et son rôle, même si ce témoignage est invérifiable (l’agence le signale d’ailleurs prudemment). Mais comment ne pas hausser les épaules quand un autre accusateur, un militant d’opposition de Hama se présentant sous un faux nom (dixit l‘AFP) explique que les victimes n’étaient pas connues pour être proches de l’opposition, mais que, justement, « les gens qui ne prennent pas parti sont une cible du régime, car celui-ci ne sait plus quoi faire pour arrêter la révolte ».

    Lumineux ! Bachar et et le régime étaient déjà accusés par l’opposition d’organiser des attentats à la voiture piégée contre leurs propres institutions à Damas et Alep, et voilà maintenant qu’ils massacrent les neutres et attentiste pur les empêcher de rejoindre l’opposition. Mais jusqu’à quand les médias français recueilleront-ils pieusement ces absurdités de propagandistes mythomanes ?

    Alexandre Loukachevitch - et donc Vladimir Poutine - ne croit pas à la responsabilité de Damas dans les massacres de Houla et de Mazraat

    Il va falloir choisir entre Bachar et al Qaïda, Miss Clinton

    Revenons au bloc occidental et sa plus « haute expression diplomatique », Hillary Clinton. À Istambul, en ouverture du sommet des faux amis de la Syrie, la secrétaire d’État américaine a mis en garde les participants contre al-Qaïda, dont la menace, dit-elle, est devenue « géographiquement plus répandue« .

    Ce n’est rien de la dire, chère madame : al Qaïda est déjà à l’oeuvre en Syrie, car elle aussi travaille – à sa manière plus franche que le Pentagone – au renversement et à la subversion de la Syrie nationaliste et laïque.

    Ce n’est pas polémique, c’est une donnée objective. Ne nous lassons pas de rappeler que le sommet de la hiérarchie militaire américaine a justement mis en garde l’administration Obama contre l’infiltration de l’organisation de feu Ben Laden en Syrie, et au sein des groupes radicaux armés (voir notre article « Avec ou sans drones, les Américains sont impuissants », mis en ligne le 20 février).

    Ces mises en garde de Miss Clinton quant au danger djihadiste – ailleurs qu’en Syrie – n’en ont que plus de sel !

    Restons encore un peu à Istambul : nous avons tout récemment publié un article à propos d’analyses évoquant un possible revirement, ou un adoucissement, de la politique turque à l’égard de Damas (voir notre article « La direction turque cherche-t-elle une porte de sortie ? », mis en ligne le 5 juin 2012).

    Pour le moment, on ne semble pas encore en être là, le ministre des Affaires étrangères, d’Erdogan avant que d’être celui de la Turquie, Ahmet Davutoglu, s’étant montré plus menaçant encore à cet égard que sa supérieure américaine. Davutoglu a procédé par allusions, envisageant, en cas d’échec de la diplomatie, que la Turquie « réfléchisse » à d’autres scénarios vis-à-vis de son voisin.

    Non, de ce point de vue, l’attitude de la direction AKP ne change pas vraiment.

    C’est toujours ce « retenez-moi où je fais un malheur » d’une diplomatie de provocations verbales et politiques, mais qui « cale » toujours devant le passage à l’acte.

    On pouvait accorder une oreille attentive à ces menaces au début de la crise, mais, les mois passant, elles deviennent ridicules.

    Pour justifier son ton, Davutoglu invoque des « principes », dont celui de la protection des populations civiles : c’est au nom de ce principe-là que le gouvernement Erdogan a laissé sa zone frontière se transformer en base arrière de l’ASL, dont les commandos contribuent médiocrement à la « protection des populations civiles syriennes« .

    Et ne sont pas pour rien dans l’afflux de 20 à 25 000 réfugiés syriens en Turquie, où ils créent d’ailleurs des tensions avec la population autochtone, plutôt pro-syrienne.

    Mais qu’attend donc le pouvoir islamiste « modéré-européen » turc ? Il aura l’appui, diplomatique sinon directement militaire,  des Américains et Européens, et bien  sûr celui des monarchies du Golfe, s’il franchit le pas et la frontière.

    Oui mais voilà : il y aura quand même l’armée syrienne à affronter ; pas mal de Kurdes turcs ou syriens ; pas mal de Syriens non kurdes. Il y aura aussi beaucoup de Turcs dans la rue, toute l’opposition à Erdogan critiquant durement sa politique pro-américaine et anti-syrienne.

    Et il y aura des sanctions russes et iraniennes, économiques et autres.

    Erdogan, en dépit de son tropisme néo-ottoman, doit être conscient de ce rapport de force.

    De cet enlisement diplomatique aussi. On aimerait consulter des sondages d’opinion turque à ce sujet.

    Le Premier ministre turc  pourrait bientôt voir vraiment s’ouvrir un front politique intérieur.

    Manifestation turco-syrienne pro-Bachar à Antioche (février)...

    idem à Adana, début juin...

    ... concert pro-syrien à Antioche, le 15 mai : avec sa politique pro-OTAN et pro-Qatar, Erdogan s'est créé un sérieux problème intérieur



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