Bien entourée par sa famille mais seule pour élever son petit garçon, Carol se sent précaire et a la nostalgie d'une époque où la vie était plus insouciante. Le 6 novembre, elle votera probablement pour Mitt Romney, dont l'argumentaire contre la réforme de l'assurance santé d'Obama l'a convaincue. 

Sa vie en 2008

En 2008, après avoir repris ses études à 27 ans, Carol est orthophoniste. Elle s'apprête à devenir maman mais ne le sait pas encore : sa grossesse n'était pas prévue. Lorsqu'elle survient, le père de son fils vit encore avec sa compagne de l'époque, qu'il finit par quitter pour Carol. Mais le couple explose en vol : "C'est un père merveilleux, mais un compagnon exécrable", résume Carol avec un sourire triste. Le couple est séparé mais vit toujours sous le même toit. Elle espère pouvoir déménager bientôt.

Carol travaille aujourd'hui pour deux structures différentes : salariée dans une école primaire trois jours par semaine, elle suit également plusieurs enfants en libéral pour l'Etat du New Jersey.

Elle aime son métier mais pas les conditions dans lesquelles elle l'exerce. Dans l'école primaire qui l'emploie, par exemple."Vous savez ce qu'ils ont fait?  L'ortophoniste qui travaillait là-bas était employée à plein temps, et bénéficiait d'une assurance santé... Eh bien, ils l'ont licenciée et ont divisé le poste en deux mi-temps pour ne pas avoir à fournir d'assurance-santé", explique-t-elle, désabusée.

Sa vie en 2012

Aujourd'hui, la jeune mère de famille gagne sa vie mais a peu de marge. Elle doit encore rembourser une partie de son prêt étudiant et l'arrivée de son fils a signifié une baisse substantielle de son train de vie.

"Pendant des années, j'ai vécu au dessus de mes moyens", reconnaît la jeune maman avec une pointe de mélancolie. "L'esthéticienne, les manucures, les jolies coupes de cheveux... Aujourd'hui je regarde en arrière et je me dis : mais pourquoi je faisais tout ça?" Ce qui lui manque surtout, ce sont les voyages - elle est allée plusieurs fois en Europe -, qu'elle adorait mais ne peut plus envisager.

Elle n'a "pratiquement aucune économie" et la hausse de certains biens de première nécessité l'a affectée. "Quand j'ai réalisé que j'allais devoir déménager pour vivre seule avec mon fils, j'ai commencé à réfléchir à deux fois pour tout. Le week-end, je me dis : 'Est-ce que j'ai vraiment besoin d'aller voir mes parents aujourd'hui ? Je les verrai mercredi (jour où ils gardent son fils ) de toute façon... Dois-je dépenser cet argent en essence ?"

Il y a quelques mois, une de ses amies, propriétaire d'un salon de coiffure, lui a proposé d'arrondir ses fins de mois d'une drôle de façon. Carol hésite à m'en parler, se retourne plusieurs fois pour vérifier que la salle du petit café n'abrite aucune oreille indiscrète. "On était dans son bureau et [mon amie] a commencé à me taquiner, se souvient-elle. Elle m'a dit : 'Carol, il parait que tu es douée [pour le sexe]...". Puis, plus tard, "qu'elles pourraient faire des affaires ensemble".

Carol a accepté. Par deux fois, elle a couché avec un homme qui est reparti d'un air pressé en lui laissant 300 dollars sur la table de nuit.

Une de ses amies à qui elle s'est confiée lui a dit : "Ecoute, tu as bien fait : dans cette économie, il faut être malin pour s'en sortir."  Elle ne sait trop quoi penser de cette expérience, mais pense qu'elle recommencera peut-être. "Soyons réalistes : pour gagner la même somme, je dois travailler 5 heures comme orthophoniste. Là, 20 minutes seulement..."

Et la présidence Obama dans tout ça ?

La politique, Carol s'en méfie. "J'ai l'impression qu'ils vous disent toujours ce que vous voulez entendre." Elle est pourtant sensible aux arguments du parti républicain. Si en 2008 elle avait choisi de soutenir le petit Parti vert, elle pourrait se tourner cette fois vers Mitt Romney. "J'entends tout ce qui risque d'arriver au système de santé [à cause d'Obamacare] et en tant que mère, ça m'inquiète."

Pourtant, Carol croit en la nécessité d'un système de santé universel. Mais elle a peur que certains abusent et ne plombent le système. Elle prend pour exemple une famille très défavorisée rencontrée dans le cadre de son travail. "Quand je les vois, je me dis : 'Pourquoi donc ont-ils fait deux autres enfants alors que leur deuxième avait déjà besoin de tant d'attention?'", explique-t-elle en plissant les yeux. "Je me sens partagée car je crois vraiment que tout le monde devrait avoir accès aux soins. Mais quand je rencontre des gens comme ça, ça me fait peur..."

* Son prénom a été modifié

Marion Solletty