• L’HERITAGE VIKING EN RUSSIE-La Normandie a une contrée sœur au septentrion

    L’HERITAGE VIKING EN RUSSIE-La Normandie a une contrée sœur au septentrion

    Michel Thibault 
    le 21/09/2011

    Peu connue la fraternité de sang et de culture entre la Normandie et la Russie. Pourtant, elle est ancienne. Le tronc commun? Les Vikings. Une belle et instructive exposition à Caen rappelle une filiation qu’on remonte plus vite qu’avec un drakkar, mais qui est tout aussi tonifiante.

    Les premiers raids vikings hors du berceau natal sont enregistrés dès le VIIIe: Danois et Norvégiens sur le continent et les îles britanniques, Suédois principalement dans le nord de la Russie actuelle.

    De cette confrontation belliqueuse et de cette installation forcée d’hommes (moins éloignées qu’ils le pensaient des Francs; mais cela est une autre histoire), il sortira la Normandie fondée en 911 par le  traité de Saint-Clair-sur-Epte. Et si l'originalité du passé viking en Normandie est d'avoir laissé fort peu de traces matérielles, cette absence étant heureusement compensée par une abondance de données (toponymie, onomastique, traditions juridiques, vocabulaire maritime...).

    De tout le reste de cette Europe malmenée et conquise à la va vite, c'est en Russie seulement qu'une "autre Normandie" a perduré, au-delà des bouleversements des migrations scandinaves. Des accords politiques, comparables au traité de Saint-Clair-sur-Epte, et l'intégration des élites ont, là aussi, permis des constructions politiques durables, tandis que les nouveaux arrivants adoptaient la langue, la culture et les usages des autochtones.


    Riourik et ses frères arrivent sur les bords du lac ladoga

    Quelques décennies avant l’épisode de Saint-Clair-sur-Epte, les hommes du Nord entrent aussi dans l’histoire slave. Présents dès 750 dans la région sud du lac Ladoga, par des comptoirs commerciaux fortifiés, sur la route reliant l’Europe à Byzance, ils arrivent dans la région de Novgorod en 862, quand les peuples autochtones font appel à eux et confient leur destin à un de leurs chefs, nommé Riourik.

    L’origine du nom de la Russie

    On sait que les hommes du Nord, les Northmen des anciennes chroniques, ont donné leur nom à la Normandie ; on sait moins que celui de "Russe" vient, lui aussi, de la manière dont on désignait ces aventuriers des rives de la Baltique : les Rous des chroniques slaves.

    Les Varégues vont structurer une société désorganisée, fondant la ville de Novgorod -Holmgaror en scandinave- avant de s’emparer de Kiev, en 882, et d’en faire la capitale du nouveau royaume. Tous les princes russes sont issus de la dynastie des Rurikides jusqu’au XVIème siècle, les Romanov prenant le relais en 1612.


    Expédition vers la Russie de Nicolaï Roerich (1874-1947)

    Dès 882, Oleg – qui porte encore ce nom scandinave – fils du légendaire Riourik, a pris Kiev et en a fait sa capitale. En 907, il lance un premier raid contre Byzance. En 911, au moment de la paix de Saint-Clair-sur-Epte en Normandie, Rous et Byzantins signent un traité ouvrant les débouchés de la mer Noire et de la Méditerranée. Le troisième souverain de cette première dynastie, Igor († 945), controôle un territoire du golfe de Finlande à la basse vallée du Dniepr.



    Sviatoslav, fils d'Igor est le premier prince Rous à porter un nom slave. Son fils cadet, Vladimir le Soleil Rouge, règne pour son compte à Novgorod, puis lui succède, sur le trône de Kiev, pour un règne de 35 ans, pendant lequel il amplifie l'œuvre de ses prédécesseurs, en repoussant ses frontières contre les Slaves de l'Ouest, les Polonais, les Baltes, les Bulgares, les Khazars et les Petchenègues... Il est aussi Vladimir le Saint, qui fait entrer la Rous dans le christianisme en adoptant le rite oriental byzantin, dans lequel il recherche aussi un modèle d'organisation politique.

    La relation maintenue avec les mondes normands s'illustre encore. Vladimir a épousé en 1074, Edith (Gytha), la fille d'Harold Godwinson, vaincu et tué par Guillaume le Conquérant à Hastings. Leur fils Mtislav, prince de Novgorod, porte dans sa ville du Nord le nom scandinave de Harald, en hommage à son grand-père.


    Vieille coutume nordique : le prince choisi par son peuple

    L'État des Rurikides se présente comme une fédération instable d'entités dirigées par les membres d'une même famille. Il est identifié à la Russie kiévienne, mais il est en fait organisé autour de deux pôles dominants : Kiev et Novgorod. Pendant tout le moyen Age, la grande ville du Nord conserve des liens avec la Baltique et une forme de gouvernement d'assemblée (« le viétché »), qui prétend toujours choisir le prince qu'elle appelle à régner.

    Au XIIe s., la Rous de Kiev entre dans une longue période de désordres internes, de conflits de succession et luttes incessantes sur toutes ses frontières. La pression des Tatars lui porte un coup fatal au milieu du XIIIe. La progression slave se réoriente vers la colonisation des forêts du Nord. La principauté de Vladimir-Souzdal sur la Volga, qui comprend le modeste comptoir de Moscou (1156), hérite de la position dominante définitivement perdue par Kiev, vers 1240.

    Mais en 1136 déjà, Novgorod s'est rendue complètement indépendante de la Rous de Kiev. Elle reste, pendant plus de trois cents ans un centre culturel et commercial florissant, capable de repousser les attaques des Suédois et des chevaliers Teutoniques (victoires d'Alexandre Nevski, en 1240 et 1242), des Lituaniens et des Tatars, et de conduire sa propre expansion coloniale au Nord, sur un immense territoire, bien au-delà de l'Oural. Novgorod-la-grande est une « république » marchande indépendante qui tient tête à la montée de la puissance moscovite aux XIVe et XVe, pour s'incliner en 1478.

    L'affirmation de l'appartenance des Novgorodiens à la nation varègue, reste une manière de souligner que leurs ancêtres sont à l'origine de « l'Appel aux Varègues ». Cette ascendance quasi mythique justifie, à leurs yeux, une forme de gouvernement limitant le rôle du prince local, mais capable, aussi, de résister à la montée en puissance du grand-prince qui n'est pas encore le « tsar de toutes les Russies ». Première fondation des Varègues à l'époque du légendaire Riourik, Novgorod traverse toute l'histoire de la Russie médiévale, comme une porte ouverte sur le Nord et l'Occident.


    Alexandre Nevski et Ivan le Terrible

    Qu'ils lui soient favorables, comme Alexandre Nevski, ou néfastes, comme Ivan le Terrible, tous les grands princes de Russie sont issus de la dynastie des Rurikides, qui a régné sur Novgorod, Kiev, Vladimir-Souzdal, puis Moscou pour ne s'éteindre qu'au XVIe, avec la prise de pouvoir de Boris Godounov (1598), suivie de l'ascension des Romanov (1612).

    Comme en Normandie, le mythe Viking sera, à partir des XIXème-XXème surtout, un thème récurent pour les artistes romantiques, qui vont s’inspirer des motifs scandinaves et de l’image du Drakkar pour célébrer le culte des origines.

    En 1906, Vassili Kandinsky fait de cette histoire le sujet du "Chant de la Volga". Mais c’est chez le peintre mystique Nikolaï Roerich (1874-1947) que l’on en trouve l’expression la plus affirmée. L’artiste se flattait de descendre de princes francs et de Vikings d’Islande et du Jutland, mais aussi de Riourik lui-même.

    Un cas particulièrement frappant est celui de la marine de guerre impériale. En effet jusqu’au début du XXe, on baptisait les bateaux de guerre de noms évoquant l'histoire de la Russie ancienne : saints orthodoxes, archanges, divinités païennes et, parmi ces figures tutélaires, les princes Rous des XIe-XIIIe (Vladimir, Sviatoslav, Rostislav, Alexandre Nevski), censés renforcer le patriotisme et le sens du devoir de l’équipage.

    C’est cette incroyable aventure politique, culturelle et humaine, que raconte l’exposition du musée de Caen, divisée en quatre parties : Les migrations scandinaves en Europe – Des « Normands » aux origines de l’histoire russe – Les implantations scandinaves en Russie du nord – Le mythe viking et les nouveaux Varègues.

    http://metamag.fr/metamag-406-L’HERITAGE-VIKING-EN-RUSSIE-La-Normandie-a-une-contrée-sœur-au-septentrion.html

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