• Liban : Amin Gemayel refuse la logique d’affrontement avec la Syrie

    Liban : Amin Gemayel refuse la logique d’affrontement avec la Syrie

    Amine Gemayel aimeraient que ses alliés anti-syriens se contentent à l'avenir d'être neutres : vaste programme !


    Amine Gemayel, président du Liban de 1982  à 1988, président du parti Kataeb – les Phalanges chrétiennes – et par ailleurs héritier d’une puissante dynastie politique libanaise, est une des trois têtes (quatre si l’on compte l’instable Walid Joumblatt) de l’opposition libanaise pro-occidentale (et férocement anti-syrienne) dite du 14 Mars, avec l’ex-Premier ministre Saad Hariri et Samir Geagea, chef des forces libanaises. Son évolution n’en est que plus intéressante :

    nous nous étions déjà fait l’écho de ses inquiétudes sur la main mise des islamistes radicaux sur l’opposition syrienne (voir notre article « Larges fissures dans le camp anti-syrien libanais » , mis en ligne le 17 janvier).

    Aujourd’hui, Amine Gemayel développe ses conceptions des relations du Liban avec la Syrie et de l’attitude que l’opposition libanaise doit observer vis-à-vis de la crise qui ébranle le voisin.

    Ce qui se résume par le concept de « neutralité positive » des Libanais sur le sujet. Un sujet qui, estime Gemayel, ne doit pas être un enjeu de politique intérieure libanaise, à l’approche des législatives de 2013.

    Or, on sait que Hariri et Geagea ne voient pas les choses de la même façon, qui s’engagent activement, pas seulement en paroles, dans l’aide à la rébellion syrienne, en grande partie pour déstabiliser le gouvernement libanais appuyé par le Hezbollah et de sensibilité plutôt pro-syrienne.

    S’appuyant sur l’histoire de son pays et son expérience personnelle à la tête de l’État, Amine Gemayel observe que les relations entre les deux pays sont compliquées mais qu’elles doivent être apaisées, car Syrie et Liban sont liés par la géographie et l’histoire régionale.

    Un avis qui a son poids, car l’histoire n’a pas rapproché la famille Gemayel de la famille al-Assad : entre autres choses, le frère d’Amine, Béchir, a été assassiné en 1982 par un Libanais chrétien pro-syrien.

    Et son fils Pierre l’a été à son tour en 2006, les Syriens étant immédiatement accusés du meurtre, sans que leur responsabilité ait pu être prouvée par la suite.

    Aujourd’hui encore, comme on le lira, Gemayel n’est pas tendre avec le régime de Bachar, qu’il accuse – sommairement et injustement selon nous – d’être le grand responsable de la tragédie syrienne en cours.

    Après tout, Gemayel doit ménager ses amis politiques, pour s’efforcer de leur faire entendre raison.

    En conséquence, il se démarque une nouvelle fois nettement de ses alliés sur la question, refusant d’en faire un thème des élections à venir.

    Certes, Gemayel réaffirme que ce qui l’unit à Hariri et Geagea est plus important que ce qui l’en sépare, mais il y a quand même comme une lézarde qui s’élargit au sein de la Coalition du 14 Mars.

    Le grand dirigeant libanais chrétien qu’est Amine Gemayel ne peut ignorer ce qu se trame sur le terrain syrien, ni bien sûr l’implication de son allié Hariri dans les trafics d’armes et tentatives de déstabilisation en tous genres, des deux côtés de la frontière.

    Les tous récents incidents de Tripoli entre communauté sur fond de crise syrienne n’ont pu que raviver ses inquiétudes.

    On verra quelle sera l’évolution politique de Gemayel, mais on ne peut que reconnaître la hauteur de vue d’un homme politique responsable, bien que cruellement marqué dans sa chair.

    Et constater que la ligne de fracture syrienne passe désormais aussi au sein de l’opposition libanaise.


    Beyrouth, novembre 2006 : Gemayel entre ses alliés Samir Geagea et Saad Hariri aux obsèques de son fils Pierre, assassiné à Beyrouth,

     Article de Nicolas Nassif paru le 13 mai 2012 sur le site du quotidien libanais al-Akhbar, considéré comme proche du Hezbollah et en tous cas se réclamant d’une gauche anti-impérialiste.

    Nous avons mis de côté tout ce qui dans cet article ne concernait pas les relations syro-libanaises. Les passages soulignés le sont par nous. (traduit de l’anglais par Louis Denghien).


    L’ancien président libanais Amin Gemayel explique à Al-Akhbar son plaidoyer  en faveur d’une politique de « neutralité positive » qui le met en conflit avec ses alliés de la « Coalition du 14 mars« .

    L’ancien président Amin Gemayel continue de s’opposer à ses alliés de la coalition dite du 14 mars, comme c’est le cas depuis des mois, sur leur approche des événements de Syrie.

    Quand tous sont allés ensemble aux élections de 2005 et de 2009, il partageait les slogans et thèmes avancés à l’époque – à propos de l’enquête internationale sur les assassinats politiques, et plus tard sur le tribunal international, et les armes du Hezbollah. C’étaient des questions libanaises.

    Mais à la différence de ses partenaires – l’ex-Premier ministre Saad Hariri, le chef des Forces libanaises Samir Geagea, et aussi le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt – il s’oppose à ce qu’une dimension étrangère – qui ne concerne pas le Liban – soit mise au coeur d’une question qui elle est l’affaire des Libanais, et dans laquelle ceux-ci ne veulent pas justement d’ingérences extérieures : les élections de 2013.

    Gemayel plaide pour une séparation complète entre l’objectif de gagner les élections de 2013 et de retrouver une majorité parlementaire (pour le bloc du 14 Mars), et celui d’une victoire contre Bachar al-Assad dans sa lutte de pouvoir avec l’opposition syrienne.

    L’ancien président ne semble pas convaincu non plus que Bachar puisse être facilement et rapidement renversé.

    Gemayel a adopté pour la première fois cette position (sur la Syrie) voici quelques mois, et l’a développé au cours d’une conférence la semaine dernière au Centre Issam Fares pour le Liban.

    Un thème central de l »argumentation de l’ancien président libanais est qu’en adoptant une position neutre dans la crise syrienne, et en s’abstenant de toute ingérence dans les affaires intérieures de ce pays, le Liban lui ôterait les prétextes qiu’il a invoqués par le passé pour se mêler des affaires libanaises.

    Il insiste, à cet égard, sur le fait que pendant une période relativement longue dans l’histoire des relation entre les deux pays, du milieu des années cinquante jusqu’à la fin des années soixante, quand les régimes syriens successifs – avant et après l’ascension du Parti Baas -  ont accusé le Liban d’interférer dans la politique syrienne.

    Le pays était régulièrement accusé de soutenir les opposants au gouvernement de Damas,de protéger les auteurs des précédents coups d’État et de leur offrir un asile sûr contre les poursuites, et quelquefois de les aider activement leurs réunions en vue de nouveaux complots.

    Il rappelle la réaction de la Syrie, ses règlements de comptes avec le Liban, et comment elle s’est jouée du destin de ce pays, et l’a fait encore pendant les années de tutelle.

    Gemayel garde aussi présent à l’esprit qu’aucun dirigeant syrien – que ce soit avant ou après la série de coups de force militaires, y compris pendant la période démocratique des années  quarante – n’a jamais détourné le regard du Liban.

    Tous ont continué à le voir comme une partie de la Syrie. Il relie cela au fait que les dirigeants irakiens successifs ont toujours considéré le Koweit comme une part de l’Irak,, vision qui a culminé lors de l’invasion de 1990.

    Tout en appelant l’histoire et la géographie à l’appui de son point de vue, Gemayel puise dans son expérience personnelle, positive ou négative, des contacts directs, pendant ses années de présidence, avec l’ancien président Hafez al-Assad, ainsi que de ses relations épisodiques avec celui qui était alors le vice-président syrien, Abdel Halim Khaddam.

    Il ajoute que que la « neutralité positive » est cohérente avec les vue maintes fois réaffirmées de son Parti phalangiste, et « appartient à à une tradition que nous avons historiquement maintenue« .

    Par exemple : « Nous avons mené une rude bataille contre le président Nasser en 1958. Mais cela n’a pas empêché Nasser de s’engager dans un dialogue avec Pierre Gemayel dès l’année suivante.

    Le leader égyptien lui envoya une invitation officielle, eut des entretiens avec lui, et même le décora de l’Ordre du Nil, malgré tout ce qui s’était passé entre les deux parties en 1958.

    Nasser avait tourné la page de sa propre initiative, sans médiation, note Gemayel. « Ca a été la même chose avec Yasser Arafat » ajoute-t-il. « Pierre Gemayel était en contact permanent avec lui, même dans les circonstances les plus difficiles.

    Il nous a rendus visite chez nous et nous avons eu ensemble un long dialogue durant la guerre de 1975/76« .

    De la même manière, « avec la Syrie, il y a eu des navettes diplomatiques. Des officiels syriens nous rendaient visite et nous – Pierre Gemayel, moi même, Bechir (Gemayel) et d’autres phalangistes -nous rendions là-bas pour discuter des crises et des relations syro-libanaises« .

    Avec les Iraniens non plus, « il n’y a pas eu de rupture du dialogue entre nous depuis que la relation libanaise avec Téhéran a repris en 1985. Nous sommes restés en relation permanente avec l’ambassade iranienne« .

    À partir de là, « quelles que soient les différences entre nous, il est de l’intérêt du Liban d’adopter une approche rationnelle – plutôt que passionnelle – des problèmes en cours – et particulièrement si ces crises sont pus grandes que le Liban, d’un niveau régional et même international » observe l’ex-président libanais.

    Sinon, « nous risquerions de tous devenir, en tant que Libanais, les victimes d’un conflit entre alliances rivales. Le Liban est un petit pays et n’a pas la capacité militaire ou économique de le supporter.

    Sa diversité interne rend sa position et ses options doublement délicates. C’est pourquoi j’ai appelé, et appelle encore, à une neutralité positive ».

    Gemayel dit craindre qu’une période durable d’ »anarchie et d’instabilité » ait commencé en Syrie. « Quelqu’un qui est revenu de là-bas récemment m’a dit que le régime syrien contrôle le jour et l’opposition la nuit » raconte-t-il.

    « C’est le signe que cette crise sanglante va se prolonger. C’est comme s’il y avait un équilibre de la terreur entre les deux camps, aucun ne pouvant affirmer son avantage conte l’autre. Ajoutez à cela que les principales puissances  ne veulent pas intervenir militairement comme elles l’ont fait en Libye« .

    Gemayel tient le régime syrien pour principal responsable de cet état de choses. « La légitimité du régime syrien s’est bâtie sur la répression, la suppression des libertés, l’obstruction vis-à-vis de l »émergence de forces politiques, un régime sécuritaire, et la suspension de toute vie politique » affirme-t-il.

    « Il était naturel que cela conduise à à cette explosion de colère d’un révolution populaire telle que nous l’avons vue depuis plus d’un an« .

    Mais son principal souci est le possible impact de la crise syrienne sur le Liban. « Je crains les répercussions de ce qui est en train d’arriver sur le Liban, qui est toujours fortement affecté par la Syrie, spécialement dans des circonstances comme celles-ci« .

    « Cela est dû à plusieurs raisons, notamment la présence de centaines de milliers de travailleurs syriens qui pourraient transporter le conflit au Liban, et exacerber les divisions entre partisans et adversaires libanais du régime de Bachar.

    Qu’adviendrait-il si ce conflit, avec toute sa férocité, venait à s’inviter sur le terrain libanais ?« 

    Gemayel rappelle que « nous avons expérimenté quelque chose de similaire dans les années 70, quand la bataille se livrait contre la résistance palestinienne – qui était avec elle, qui était contre elle ? Est-ce que le peuple libanais veut vraiment revivre cette expérience ? Qui resterait pour en bénéficier ? »

    Pourtant Gemayel ne voit pas de contradiction entre sa position sur la Syrie et celles prises par Hariri, Geagea et Joumblatt. Il dit qu’aucun d’entre eux n’a jamais soulevé ce problème comme une pomme de discorde  « parce que nous nous connaissons tous.

    Ils nous connaissent bien. Notre alliance est basée sur le fait que chacun connait les positions et attitudes de l »autre. Ce qui enrichit le coalition du 14 mars…« 

    Il poursuit : « Nous sommes tous de l’avis que le régime en Syrie doit changer, que la liberté et la démocratie doivent être rétablies dans ce pays après une longue absence, et que la politique suivie par l’axe syro-iranien est dommageable pour les intérêts et la stabilité du Liban.

    La différence entre nous et nos alliés réside dans les détails et l’approche. ce qui nous réunit est plus fort que ce qui nous divise ».

    Ce à quoi Gemayel s’oppose, c’est que la crise syrienne et le mot d’ordre de la chute du régime soient utilisés lors de la campagne pour les élections générales libanaises de 2013, comme l’ont fait Hariri, Geagea et Joumblatt.

    « Je ne soutiendra certainement pas un tel slogan pour les élections législatives » affirme-t-il. « Je veux comme slogan « Le Liban d’abord » et qu’on se concentre sur les problèmes libanais.

    Pouvons nous nous permettre d’ignorer la permanence des problèmes de sécurité sociale, d’électricité, de santé, de chômage, d’éducation, de vieillesse, d’inflation, l’état des routes, la corruption rampante, l’émigration et les autres innombrables crises ?

    On a là largement de quoi nous inspirer pour nos slogans de campagne ».

    Gemayel poursuit : « En tant que chrétien du Mont-Liban, les slogans relatifs aux questions étrangères ne m’attirent pas. Je me sens plus concerné par les affaires intérieures que par la question du nucléaire iranien ou la révolution syrienne.

    Il peut y avoir quelque chose de propre au mouvement du Futur qui le pousse à prendre position en faveur de la révolution en Syrie, et à utiliser un slogan pour renforcer les soutiens politiques. Je ne veux pas renter là-dedans.

    Mais la révolution syrienne n’est certainement pas une préoccupation majeure pour les chrétiens, ni un sujet qui influe sur la façon dont se développe leur région, ou stoppe leur émigration, ou leur garantit une vie sûre et décente« .

    Il souligne que son refus de faire de la Syrie un thème électoral pour 2013 s’applique aussi au fait d’ »utiliser la révolution syrienne comme un prétexte pour repousser les élections« .

    Dans les deux cas, « ma position est claire. Le Liban doit rester à l’écart des crises et des alliances régionales autant qu’il est possible ».

    Emblème du Parti Kataeb


    ci-dessous, le lien vers l’interview en anglais :

    http://english.al-akhbar.com/content/amin-gemayel-march-14-keep-out-syria


     

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