• Syrie : Moscou en passe d'imposer ses vues à l'ONU

    Syrie : Moscou en passe d'imposer ses vues à l'ONU

    LE MONDE | 17.03.2012 à 11h35 • Mis à jour le17.03.2012 à 11h35

    Par Alexandra Geneste (New York, Nations unies) et Natalie Nougayrède

    ( note vilistia / deux russophobes chroniques )

    Kofi Annan, l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, à Genève, le 16 mars.Kofi Annan, l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, à Genève, le 16 mars. | AP/Martial Trezzini

    Après un an de tuerie en Syrie, et alors que les Occidentaux craignent de plus en plus une explosion régionale au Moyen-Orient dont la fuite en avant sanguinaire du régime de Damas et les engrenages intercommunautaires formeraient l'épicentre, l'idée russe de placer la Syrie sous la surveillance d'observateurs internationaux semble faire son chemin.

    Lors d'un briefing à huis clos, réalisé vendredi 16 mars par vidéoconférence depuis Genève, l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, Kofi Annan, a confirmé au Conseil de sécurité l'envoi dans les prochains jours d'une mission à Damas pour discuter de cette éventualité. L'objectif : définir les modalités d'un mécanisme d'observation, dans la perspective d'un accord de cessez-le-feu.

    "J'espère qu'ils auront accès à tout ce qu'ils demandent", a déclaré l'ancien secrétaire général de l'ONU, qui se plaint de n'avoir obtenu de Damas que des "réponses décevantes jusqu'ici". De source diplomatique européenne, le commentaire est plus lapidaire :

    "Bachar Al-Assad a envoyé paître Kofi Annan !" La rebuffade a été telle que le diplomate ghanéen a attendu plusieurs jours avant de rendre compte devant l'ONU de sa mission à Damas, où il n'a pas réussi à faire valider un plan prévoyant un arrêt des violences, un accès humanitaire et l'ouverture de négociations politiques. Faute de mieux, Kofi Annan s'apprête-t-il à remettre de facto les clefs du dossier à la Russie ?

    Celle-ci a fait de son opposition à toute politique extérieure de changement de régime à Damas une ligne rouge absolue. Le "troc" russe peut se résumer ainsi : les armes cesseront de parler en Syrie si le monde extérieur renonce à demander le départ de son allié Bachar Al-Assad. Dire que le président syrien est illégitime, c'est "contre-productif" a insisté l'émissaire russe pour le Proche-Orient, Mikhaïl Bogdanov. dans ce contexte, l'idée d'une mission exploratoire pour un mécanisme d'observation - qui semble avoir été agréée par le pouvoir de Damas tout en y posant des conditions - servira-t-elle de diversion pendant que se poursuivent les massacres, de ville en ville ? Bref, un jeu de "dupes" comme s'en méfie Alain Juppé, le chef de la diplomatie française, dans un entretien accordé au Monde ?

    La France a fait savoir qu'elle ne renoncerait pas à l'exigence d'un processus de transition politique à Damas, considérant que c'est le "minimum", inscrit d'ailleurs dans le mandat même de Kofi Annan, qui découle d'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU faisant référence à un plan de la Ligue arabe daté du 22 janvier. Selon ce texte, le président syrien doit "accorder à son premier adjoint l'autorité pleine pour coopérer avec un gouvernement d'union nationale" chargé de "préparer des élections libres, législatives et présidentielles".

    L'abandon du pouvoir par Bachar Al-Assad n'est pas explicitement exigé, mais il est censé découler d'un futur processus électoral. Autrement dit, le plan laisse une marge d'interprétation, dont la Russie s'est vite emparée.

    Mais pas seulement elle, semble-t-il. A l'ONU, les Britanniques qui président ce mois-ci le Conseil de sécurité de l'ONU aimeraient se prévaloir d'un succès et poussent pour le vote d'un texte, après des mois de blocage russe et chinois - quitte à accepter certains accommodements. Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies a plaidé dans ce sens.

    Les Etats-Unis semblent aussi tentés.

    Le président Barack Obama qui redoute tout scénario de bourbier régional a récemment souligné, devant la presse, qu'il fallait traiter la question syrienne avec prudence, "en évaluant bien les conséquences avant d'agir". Il a assuré : "Assad va partir. La seule question est de savoir quand."

    Vendredi, Kofi Annan a assorti son appel à l'"unité" du Conseil de sécurité d'un rappel des périls au Proche-Orient. Si cette crise n'est pas gérée de manière appropriée, "elle peut avoir des conséquences dans toute la région au-delà de la Syrie", a-t-il dit.

    Il a rappelé comment, en 2005, un vote unanime du Conseil avait convaincu la Syrie de retirer ses forces du Liban. Russes et Chinois ne se sont pas opposés au principe d'un "message uni" pour appuyer la mission de M. Annan. Britanniques, Américains et Français tentaient vendredi de s'accorder sur le type de texte :

    - une résolution, à valeur contraignante mais sans référence explicite au plan de paix de la Ligue arabe prévoyant un transfert des pouvoirs de Bachar Al-Assad, ou une déclaration présidentielle, qui a un moindre impact politique.

    La Syrie pose déjà des conditions :

    la mission d'évaluation doit se limiter à un soutien technique et Damas doit la conduire... Bachar Al-Assad, tout en se déclarant "ouvert au dialogue", a dit à M. Annan à quel point il était déterminé à combattre les "terroristes" - terme qu'il use pour l'opposition.

    Appuyé par Moscou, il refuse de donner, le premier, l'ordre à ses forces armées de cesser le feu. Dans ce marasme diplomatique, la Turquie, qui prépare une prochaine réunion du Groupe des amis de la Syrie, a recommencé à parler, vendredi, de "zone tampon" en Syrie pour protéger des civils

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    « Aïcha Kadhafi bientôt en Jordanie ?Dénonciation des deux explosions terroristes de Damas - 17 mars 2012 »
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